BONNE ANNEE

Date : le 05 janvier 2003
Distance libre : 69 km
Durée de vol : 3h30
Altitude départ : 1100 m
Plafond max : 3300 m
Gain : 2200 m
Vario max : +6
Voile : Bagheera
Régions : 06 Roquebrune Cap Martin

 

Je vais vous raconter comment le 05 janvier 2003 après avoir passé 15 jours aux Philippines sous 30° et fêté le Jour de l’An parmi les nudibranches, tortues, raies, requins et autres espèces aquatiques, je me suis retrouvée propulsée à 3300m, givrée, au-dessus de la frontière italienne….

Ce matin, la météo nous annonce un vent de NO dans les Alpes (30/40 km/h) et du SO fort sur la côte, faiblissant à la mi-journée pour passer E dominant.
Nous décidons de tenter Gourdon (dans les Alpes Maritimes), site protégé du vent d’O.
A 11h00, le NO est toujours sensible et ne donne pas de signe de faiblesse…
Pourtant, je reste persuadée que c’est une belle journée, à ne rater sous aucun prétexte : les températures ont chutées brutalement, le ciel est limpide et une perturbation est annoncée pour le lendemain par l’Est.
C’est alors que je pense à Roquebrune Cap Martin, site le plus à l’Est de la côte et donc le moins soumis aux frasques du vent d’Ouest.
Je téléphone à Vincent, habitué du site, qui me confirme que le NO est tombé et que la balise annonce 8 à 10 de Sud.
C’est parti ! … dans une heure nous serons sur le déco.
Midi, nous arrivons au décollage, sous le Mont Agel : Deux ailes sont déjà à 2000, les autres pilotes décollent à peine.
Sans traîner, nous déployons nos ailes pour nous envoler avec la motivation de deux drogués sevrés depuis trois semaines !!!
A peine en l’air, je contacte Vincent par radio pour connaître sa position car je me doute bien qu’il fasse parti des deux veinards qui transitent déjà vers l’Est.
En effet, il est à 2200m et met le cap sur Menton, je lui promets de me dépêcher pour essayer de le rattraper….
Je bâcle un peu mon altitude pour me diriger vers Saint Agnes (à l’Est), j’ai à peine 900m mais je prends le risque. De toute façon, il y a trop de monde devant le déco pour chercher à faire un plein. Michel ne me suit pas.
C’est à Saint Agnes que tout commence…
Un beau thermique me monte à 2200 m à +6 m/s. La visibilité est extraordinaire, la mer à quelques kilomètres, la chaîne du Mercantour sous son blanc manteau. C’est un enchantement !
Vincent arrive sur Menton et fait demi-tour…
Je ne peux me contenter de cela, c’est l’appel des montagnes !
Je contacte Vincent pour lui demander conseil concernant mon envie de partir au Nord, il me le déconseille.
Je n’en fait qu’à ma tête ou plutôt, qu’à mon intuition et décide de tenter cette aventure exceptionnelle.
Du haut de mon thermique, je me dirige vers Sospel. Arrivée sur le Mont Razet, nouveau plaf à 2500 m. Je traverse la vallée de la Roya pour augmenter mes ambitions (le cap au Nord m’aurait, je pense, limité relativement vite).
J’arrive encore au-dessus des crêtes sur le Mont Abellio pour enrouler avec deux rapaces et finir mon ascension à 3000m. Je n’en crois pas mes yeux, 3000 m un 05 janvier !!!
C’est trop beau, je continue. Advienne que pourra pour le retour, demain je ne travaille pas et il fera jour !
Je ne connais pas du tout cette région et je me régale du spectacle. Ma vue porte à des kilomètres, je distingue maintenant les plaines italiennes au nord et à l’est….
Un cum se forme au NE, je le vise, j’arrive dessous à 2000 (sur le Mont Peirevieille) et en quelques tours, me revoilà à 3000, 3100, 3200, 3300m au nuage !!!
Il fait un froid de canard, je pense à la chaleur des Philippines mais le givre continu de s’accumuler sur mes vêtements, je me calfeutre derrière mon cache-col. Mes mains s’engourdissent et me font mal, je pilote d’une main pour mettre l’autre à l’abri derrière la sellette. Le thermique large et homogène me permet de lâcher une commande après l’autre sans perdre de mon efficacité.
Un petit barrage « italien » je suppose (Tenarda), je le photographie et mitraille sur 360° ce paysage inconnu et féerique. Merci Papa Noël ! …
Ma vitesse commence à chuter, je suis de plus en plus contrée par l’Est qui rentre d’Italie. D’ailleurs, la chaîne de montagne plus à l’est est chapotée par les nuages avec un plafond nettement inférieur au mien.
Je décide donc de poursuivre encore un peu vers le NE, juste pour le plaisir de survoler le plus haut sommet, il est enneigé, c’est le Mont Vaquet. Même technique d’enroulement, le plaf et demi-tour.
Le GPS affiche 57 km/h , je confirme, l’Est rentre !
Les balises à l’Ouest ne faiblissent pas. Je tente tout de même le retour, je suis gourmande…
Quelle satisfaction si je réussissais à boucler !!!
Je traverse cette fois plus au Nord sur Breil/Roya pour pouvoir raccrocher la Croix de la Cougoule. Je n’ai pas trouvé un thermique depuis mon point tournant et ma vitesse décroît rapidement. Je pousse sur le barreau et arrive tout juste sous la crête de la Croix.
Des ailes volent maintenant sur Sospel, hautes dans le ciel, elles me redonnent espoir d’atteindre mon objectif.
En effet, sans dépasser les sommets, je me glisse jusqu’à Sospel où m’attend le thermique « retour ». Le Mangiabo 2200,  c’est gagné, avec cette altitude je ne peux que rentrer à la « maison » . Quelle joie !
Mais, c’était sans compter sue le vent d’Est qui lui, rentre plus vite que moi.
Je me retrouve donc sous le vent, à faire le « yo-yo », mon aile cabrant comme un cheval fou, sans jamais pouvoir reprendre de l’altitude.
Je peste, je déteste voler dans ces conditions… Un coup d’œil sur Roquebrune, des ailes volent encore, je les estime à 1500 m et pas moyen de monter ni d’avancer, je n’y arriverai jamais ! …
Il faut pourtant poursuivre car ici, rien pour poser.
Je cherche désespérément un tremplin pour rebondir ne serait ce qu’à 1500… Je m’accroche à mes suspentes, veillant à ne pas laisser fermer mon aile car le relief est tout prés et je n’ai pas de vitesse.
Je suis vidée, le froid a gagné mes os, je n’ai rien mangé ni bu, les turbulences vont crescendo, il est temps pour moi de poser…
Encore un kilomètre de « yo-yo », toujours rien. Pas la moindre parcelle de terrain dégagé, même pas la longueur d’une aile ! ….
L’autoroute ? non je plaisante. Je m’engouffre dans le vallon sous l’autoroute, direction la plage, on ne sait jamais. Je prends une dégueulante et un vent dans les fesses qui me force à choisir entre : la piscine… le portique… la terrasse… la gouttière…
Posée, pas cassée, un peu choquée par tant d’émotions inattendues mais, comblée.
Je décroche ma voile de la haie, dans ma tête, je suis toujours planant au-dessus de mes montagnes magiques et d’une beauté sans pareil…
Michel me récupère et me promet une bonne année parapentesque.
Bonne année à tous et à toutes, en vous souhaitant de beaux et longs cross tranquilles (ou presque !).

Lolo.

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